- WEN ZHENGMING
- WEN ZHENGMINGFigure dominante de la peinture chinoise dans la première moitié du XVIe siècle, Wen Zhengming suivit, au moins à ses débuts, les traces de son maître Shen Zhou (1427-1509). Mais il appartenait à une catégorie d’esprit différente et resta plus fidèle aux traditions. Si les connaisseurs chinois classent Shen parmi les «ermites», ils rangent Wen parmi les «lettrés».Le respect de l’AntiquitéWen Zhengming est né à Suzhou dans une très ancienne famille de fonctionnaires. Son père, Wen Lin (1445-1499), moraliste cultivé et sévère, était ami du peintre Shen Zhou.Wen Zhengming se présenta aux examens d’État à plusieurs reprises mais ne connut jamais la chance d’être reçu, et de brèves fonctions honorifiques à l’Académie Hanlin à Pékin ne le consolèrent pas de sa déception. Sa formation se fit à Suzhou où il étudia la poésie, la calligraphie et la peinture sous l’égide de Wu Kuan (1435-1504), de Li Yinzheng (1431-1493) et de Shen Zhou.Nature réservée, sévère, sobre, conservatrice, Wen fut toute sa vie un éclectique, un érudit et un archéologue. Sa culture encyclopédique l’incita à suivre, en peinture, différents maîtres Song ou Yuan, sans abandonner d’ailleurs son originalité propre. Souvent Shen Zhou servit d’intermédiaire pictural ou spirituel entre les maîtres anciens et Wen; Wen s’inspirait d’eux à travers la vision que Shen Zhou en avait eue. Ainsi en est-il de l’influence exercée sur lui par Wu Zhen (1280-1354). Une autre influence déterminante fut celle de Zhao Mengfu (1254-1322), qui apporta à Wen le goût de la tradition, d’une composition équilibrée très «lettrée».Grâce à ces apports constamment renouvelés, la peinture devient avec Wen Zhengming une recherche intellectuelle, une conversation cultivée avec le passé. La personnalité de l’artiste s’exprime dans la manière individuelle qu’il a d’approcher et de juger les styles anciens. En cela, Wen peut être considéré comme l’un des fondateurs du «style littéraire» en peinture. À l’inverse de Shen Zhou, Wen est plus philosophe que poète et son pinceau exprime des idées plus que des sentiments.Deux styles de paysageLa majeure partie des œuvres de Wen Zhengming qui ont subsisté date de la période comprise entre 1528 et 1558. Deux tendances s’y décèlent qui illustrent les deux faces de la personnalité de l’artiste: la face claire et la face sombre. La première s’exprime dans des paysages harmonieux tracés à l’encre sèche; le style est réservé et l’écriture très élaborée; ces peintures sont souvent centrées autour d’un ou de plusieurs personnages: un poète méditant, un pêcheur accostant au rivage ou des lettrés en conversation. La face sombre, qui sera dominante à la fin de la vie du maître, se libère dans des œuvres qui sont en quelque sorte l’expression d’un génie intraitable: peintures libres, mouvementées, aux arbres et aux rochers tourmentés et baroques.Dans un des plus beaux paysages du registre calme, Pins luxuriants et claires cascades , daté de 1542 (musée du Palais, Formose), se manifestent l’intérêt que Wen porte au traitement des arbres et son goût pour l’automne, pour ce moment où la nature se dépouille, se décante et où passe déjà un frisson froid dans l’air.En revanche, le rouleau des Sept Genévriers daté de 1532 (Honolulu Academy of Arts) porte à un point culminant l’attrait du bizarre et du drame qui constitue l’autre face de la personnalité de Wen. Ce rouleau horizontal, travaillé au pinceau sec, est une véritable étude hors nature dont l’étrangeté frôle l’angoisse, un jeu décoratif aussi où l’arbre stylisé devient une sorte de thème abstrait. À côté des lignes calligraphiques, des points, très individualisés et articulés, sont jetés avec vigueur en groupes serrés.Sur le rouleau vertical Pins et genévriers près d’une claire cascade , daté de 1549 (musée du Palais, Formose), les conifères, tordus, entrelacés, montent par saccades jusqu’en haut de la peinture, en un mouvement qu’accentuent les verticales de la falaise et de la cascade. L’espace ouvert est ici réduit à un angle au sommet de la composition.Rameaux et branches sont rendus par des traits acérés dont la violence calligraphique ressort sur l’encrage assez mouillé des feuillages. Les points ronds, pleins, sont identiques à ceux du rouleau conservé à la Honolulu Academy of Arts. Ces points, secs ou mouillés, sorte de grains de poivre utilisés pour suggérer la végétation, sont une constante de la technique de Wen Zhengming.Le format étroit, cher à Wen et aux peintres de son école, entraîne ici une élongation verticale. L’œuvre, très travaillée, aux textures riches et complexes, ignore espace et profondeur. Les arbres, enserrés dans une zone presque sans épaisseur, perdent leur relief et sont aplatis jusqu’à ne former qu’un thème graphique agité, mais à deux dimensions. Les couleurs sombres accentuent le caractère rauque, grinçant, douloureux que l’on retrouve dans plusieurs paysages des dernières années de la vie de l’artiste.La renommée de Wen Zhengming comme calligraphe fut de son temps aussi grande que l’était celle du peintre. Là encore il continue l’éclectisme raffiné de Zhao Mengfu. Tous deux reprennent le style du grand maître Wang Xizhi [Wang Hi-tche] (307-365).Les disciples de Wen ZhengmingÉclectique, équilibré jusque dans ses tendances opposées, Wen Zhengming fut un remarquable professeur et forma ou influença la plupart des peintres de Suzhou dans la seconde moitié du XVIe siècle. Ses principaux disciples directs sont Wen Jia, Wen Boren et Qian Gu. Le tempérament poétique et l’élégance de son second fils Wen Jia (1501-1583) s’expriment surtout dans des œuvres intimes, inspirées par des souvenirs littéraires. Wen Boren (1502-env. 1575), neveu de Wen Zhengming et certainement le plus doué de ses élèves, allie, comme son oncle, le goût des montagnes grandioses à des recherches très sensibles d’atmosphère, d’espace et de transparence. Enfin, Qian Gu (1508-apr. 1574) conserve le raffinement un peu sophistiqué de Wen Zhengming et pousse l’usage du tachisme dégradé, pour l’évocation du feuillage et de sa lumière, jusqu’à une sorte d’impressionnisme avant la lettre.S’il ne fut pas le maître le plus doué ni le plus brillant de son temps, Wen Zhengming fut celui dont le caractère, la vie intellectuelle et l’attitude artistique représentaient le mieux l’idéal du lettré aux yeux de ses contemporains.
Encyclopédie Universelle. 2012.